J’ai roulé sur l’autoroute Douala-Yaoundé

Les acteurs du projet de construction de l’autoroute Yaoundé-Douala ont effectué une descente de terrain le 18 août 2020 pour s’enquérir de l’évolution et l’exécution des travaux de construction de la phase I dudit projet, long de 60 kilomètres.

Le jour se lève sur la capitale politique du Cameroun. Les rayons de soleil se frayent un chemin derrière les buildings qui longent le centre-ville. Il est un peu plus de 8h50, quand le cortège ayant à sa tête le directeur des investissements routiers au ministère des travaux publics traverse le boulevard du 20 mai. Il traverse le lieu-dit «Education » avant de rentrer dans une dense circulation entre Messa, Mokolo en bas et le carrefour Mecque. Ouf ! Nkolbisson est libre. Minkoameyos se laisse aussi contempler malgré la poussière. Nkumu n’a pas cette chance. L’énorme nuage de poussière qui s’échappe après le passage d’un véhicule sur cette route en terre ne facilite pas la visibilité du conducteur. Les maisons sont presqu’identiques. Le rouge de la poussière oblige. Même la plaque avec l’écriteau ‘’Welcome to Yaoundé-Douala…’’ n’a pas échappé. La suite n’est pas lisible. 9h30 nous voici à la base vie de l’entreprise CFHEC et le Groupement SCET Tunisie/Louis-Berger. Place aux civilités. Mon corps et mon esprit intrigués, n’ont plus qu’à l’idée de voir l’autoroute.

Péage au PK0

La brousse. Une vaste zone terrassée. Puis, le bitume. C’est le point de départ du point kilométrique 0 ou pk0. L’entrée sur l’autoroute est conditionnée par l’obtention d’un ticket. Les 10 voies du péage automatique sont déjà tracées et en cours de construction. 7 voies pour les voitures et 3 pour les camions. Avant les galeries où les automobilistes prendront leur pass, la chaussée est rigide avec des échancrures pour faciliter le freinage. Les galeries communiquent entre-elles par la voie souterraine. C’est par là que, ceux qui seront chargés de gérer l’appareillage et la galerie feront leurs mouvements et transactions. Une fois l’accès à l’autoroute autorisé, moins de 110km/h n’est plus autorisée.

Les premiers charmes

La chaussée est prête. Du moins, 40km sont déjà circulables mais pas ouvert. 2X2 voies extensible à 2X3 voies sur une largeur de 33,50 mètres. De chaque côté, qu’on vienne de Douala ou de Yaoundé, la chaussée de 7,50m de largeur chacune a 2 voies et une bande d’arrêt d’urgence de 3m. Le terre-plein central de 10,5m en forme de V est l’espace où passera la 3ième voie de l’autoroute. La berme est de 1m.

L’autoroute est droite. Pas de montée. Pas de descente. Aucune pente. Juste des zig-zags qui permettent de bien contempler la nature sauvage qui s’offre à nous. Des arbres à perte de vue. Parsemée çà-et-là des talus de remblai et de talus rocheux. Des glissières de sécurité sont déjà implantées le long du trajet. Un impressionnant déblai rocheux se présente aux automobilistes au pk6+700. La roche métamorphique travaillée est agréable à regarder. 30 mètres de haut. Il a pris beaucoup d’explosifs et 2 ans et demi à l’entreprise pour la dompter. Cette solution de faire passer la route hors talus de la roche était la solution technique la moins coûteuse, selon le responsable de la mission de contrôle.

Echangeur de LOBO au PK21

L’échangeur de Lobo dans le département de la Lékié s’offre à nous au point kilométrique 21. L’ouvrage est déjà sorti de terre. Une voie supérieure et 4 routes, 2 de chaque côté permettent de rallier ou de sortir de l’autoroute. Au pk 31, une station de repos est aménagée. Le voyage peut suivre son cours jusqu’au point kilométrique 40 où s’arrête la chaussée couverte de bitume.

6 ans pour bitumer 40 km

Les travaux du pk0 au pk 40 ont pris près de 6 ans pour sortir de terre. ‘’ En janvier 2014, nous avons signé un contrat pour la réalisation d’un projet d’autoroute de 2X2 voies. Après signature le gouvernement a changé le cahier de charge. Le projet a connu une extension à 2X3 voies. Nous étions obligés de reprendre les études topographiques qui ont impacté sur le début du démarrage des travaux’’, explique WEN, le directeur exécutif du projet.

Mise en œuvre des travaux de fondation

A côté de ce retard dans le démarrage vient se greffer le problème des indemnisations et la libération des emprises. Celles-ci ont été libérées au compte-goutte. C’est un an après la signature du contrat que les premiers 20 km sont rendus disponibles pour le début des travaux. En juin 2016, les emprises du pk20-pk40 sont libérées et les 40-60 sont faites en 2019. Toutefois, le décret complémentaire des réclamations formulées par les populations entre le pk 20 et 40 reste attendu. Des tombes et maisons existent sur l’emprise de la section pk40-pk60.

L’équation des zones rocheuses

Talus dans la zone de déblais rocheux

Il faut serrer la ceinture avant d’embarquer pour les 20 km qui font le tronçon pk40-pk60.  Les 278 engins et matériels sur les 653 que compte le projet sont en activité sur cette section. Ici, on peut bien apprécier le travail fait. La forêt est terrassée pour laisser place à d’énormes champs de terre. Les voitures montent. Descendent. Trouver l’équilibre dans ce vaste chantier n’est pas aisé. Ça crépite par endroit. Au pk42+700 les engins sont mis à rudes épreuves. Des déblais rocheux sont en cours de destruction. Le bruit est assourdissant. 27 mètres de roches à travailler. Ça fait 1 an et demi que CCCC China first highway engineering company LTD (CFHEC) est mobilisée sur ce déblai rocheux. ‘’Les plus grosses difficultés dans la réalisation de cette autoroute ce sont les zones rocheuses et les zones marécageuses. Ces deux zones prennent plus de temps’’, explique Meridja Ali, chef de la mission de contrôle par intérim.

Le voyage s’est poursuivi jusqu’au point kilométrique 60. Cette première phase de l’autoroute située dans la région du Centre débute à 1km de Nkolkoumou dans l’arrondissement de Yaoundé VII et s’achève à Bibodi, localité située à 13km de Boumnyébel. Elle traverse les localités telles que Lobo dans le département de la Lékié et Pan Makak dans le Nyong et Kellé.

Après l’achèvement des 60 premiers kilomètres de la phase I, des travaux de raccordement pour permettre la mise en exploitation de cette section autoroutière sont prévus. Un raccordement au réseau urbain de Yaoundé par Minkoameyos, 10km à réaliser, et un raccordement de 13km à la route nationale N°3 par Boumnyebel. Ce raccordement sera fait par la CCCC.

Le nerf de la guerre

Selon Simon Pierre Mbousnoum, le directeur des investissements routiers au ministère des travaux publics, ‘’ l’appel d’offre pour la phase II de l’autoroute qui va de Bibodi à Douala est lancé. L’Etat a appris des difficultés de la phase I pour anticiper sur la phase II. Les indemnisations de celle-ci sont déjà en étude. ‘’ Cette phase sera divisée en 3 lots qui peuvent être gagnés et réalisés par 3 entreprises au même moment et sera un partenariat public-privé.

Mise en œuvre des travaux de tablier du pont I

Malgré les modifications opérées dans le projet, l’enveloppe disponible reste les 284 milliards de départ hors taxes soit 338 670 000 000 TTC. Le projet est financé par EXIMBANK CHINA à hauteur de 85% en US Dollars du Montant Hors Taxes et l’État du Cameroun à hauteur de 15% du Montant Hors Taxes + TVA + Droit Douane + Impôts + Taxes. Le coût du financement supplémentaire n’est pas encore disponible et l’entreprise poursuit les travaux nonobstant les retards dans le règlement des décomptes ‘’ le dernier paiement a été effectué en fin juillet 2020 pour la part Cameroun des décomptes N° 44 à 47. La part du bailleur de fonds, la somme en dollars non payé par EXIM Bank atteint 77 913 850 USD pour les décomptes N° 29, N°31 à N°47.’’ Apprend-t-on du ministère des Travaux publics.

L’entreprise est payée au m3. Elle a déjà préfinancé les travaux et se dit essoufflée. Ce qui constitue un frein pour la livraison des travaux que le ministre veut au 30 décembre 2020. Le 28 janvier 2020, l’entreprise a reçu l’ordre de service notifié par le MinTP qui approuve officiellement le montant du financement supplémentaire du pk40-pk60 de 71,1 milliards pour les besoins du projet. Cependant, l’avenant y relatif reste encore non signé. CCCC qui réalise la phase I de l’autoroute Yaoundé-Douala à travers sa filiale CFHEC annonce la fin des travaux de cette phase pour octobre 2021. Proposition que le maitre d’ouvrage refuse et lui donne une rallonge pas encore officielle pour le mois de mars 2021.

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