Seulement 24 % des experts dans les médias sont des femmes. Aussi, 4 journaux télévisés sur 10 sont présentés par des femmes. L’écart ne cesse de se creuser, d’où l’alerte.
D’après le Pr Thomas Atenga, le stéréotype est un intermédiaire qui véhicule les violences, les méfiances et autres déformations. Dans les rédactions, il renvoie à l’idée que les identités individuelles et les subjectivités se construisent et participent à la domination ‘genrée’ dans les hiérarchies qui organisent les rédactions. Ce cliché va de la sous-valorisation des femmes ou de leurs compétences à la fausse confiance en passant par la sous-représentation des femmes dans le hard news, la distribution inégale des ressources dans les espaces sociaux entre les hommes et les femmes et des raisons historiques, familiales voire sociétales. Et la déléguée régionale de la communication du littoral d’ajouter : « La persistance des stéréotypes sexistes dans la production des entreprises privées et publiques de communication, à l’échelle locale, nationale et internationale, montre que les médias ne sont pas sensibilisés aux différents aspects de la stéréospécificité. »
Le sujet est au cœur de l’atelier régional qu’abrite la ville de Douala au Cameroun sur le thème « Hommes et femmes dans les médias : égalité et responsabilité pour une presse qui promeut la paix et la démocratie en Afrique centrale ». Durant trois jours, 30 journalistes provenant des pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) travaillent ensemble pour renverser cette tendance. Car, comme l’a souligné le Dr. Laurent Akobi Banouin du Centre des Nations Unies pour les Droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale, lors de la cérémonie d’ouverture dudit atelier, le 12 août 2024,
« l’égalité des genres dans les médias est essentielle pour garantir une représentation juste et équitable et promouvoir des modèles qui encouragent l’inclusion et le respect de la diversité. » Une presse équilibrée et inclusive est un pilier fondamental pour la paix, la démocratie et la justice sociale. »
Dr. Laurent Akobi
Seulement 24% des experts femmes dans les médias
L’égalité entre les sexes n’est pas seulement un droit humain fondamental. C’est aussi un fondement nécessaire pour un monde pacifique, prospère et durable. À six ans de l’échéance fixée par l’entité des Nations Unies (ONU Femmes) pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, le gap reste criard, et le domaine du journalisme et des métiers de la communication n’est pas en reste. L’écart de représentation entre les sexes dans les médias est alarmant.
Selon une étude réalisée par le Global Media Monitoring Project et contenue dans la note conceptuelle de l‘atelier régional de Douala, seulement 24% des personnes présentées comme experts dans les médias sont des femmes. De plus, uniquement 4 journaux télévisés sur 10 sont présentés par des femmes. Et, 30% des femmes se spécialisent dans des domaines comme la science et la santé. Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants dans la mesure où ladite étude renseigne qu’il faudrait encore 67 ans pour combler cet écart dans les médias traditionnels. Alors même que les médias devraient être le reflet fidèle de la diversité d’une société, ceux-ci perpétuent-ils des inégalités profondes.
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L’atelier organisé par le bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale en collaboration avec l’Unesco et le bureau régional des droits de l’homme a permis aux participants des 11 pays de la CEEAC de tout d’abord faire un état des lieux. Puis, face aux inégalités observées, sensibiliser les participants à l’importance de promouvoir l’égalité des sexes dans leurs interactions internes et aussi dans la manière dont ils rapportent les actualités. La réflexion sur les défis dans l’optique de transformer et d’enrichir les relations professionnelles entre hommes et femmes dans la sphère médiatique a été aussi menée. À l’issue des trois jours de partages d’expériences et de bonnes pratiques, des stratégies communes seront élaborées en vue de renforcer la collaboration entre les acteurs des médias.
« Les médias, en tant que miroirs de notre société, jouent un rôle crucial dans la formation des opinions publiques et l’éducation des populations. Ils reflètent, façonnent et renforcent les normes sociales et culturelles. Il est donc impératif qu’ils soient animés par des femmes et des hommes en tenant compte de la composition de nos sociétés. (…) Il est essentiel que nous sortions de cet atelier avec des outils concrets d’évaluation et de promotion de l’égalité des sexes dans les médias. Ensemble, nous pouvons aider les médias à devenir des instruments puissants pour la paix, la démocratie et la justice sociale en Afrique centrale »
souhaite le Dr. Akobi.