Plus de 2300 Hommes y ont été embarqués pour les Etats-unis. Ce port négrier est situé dans l’arrondissement de Limbé 3 dans la région du Sud-Ouest du Cameroun. C’est le deuxième point d’embarcation des esclaves le plus actif sur la carte camerounaise après le Wouri dans le 17ème siècle. Une partie de l’histoire du 237 aujourd’hui en décrépitude.
Les circuits de la mémoire
Bimbia, il est 12h 40 ce samedi 26 mars 2016. Après la traversés d’un paysage pittoresque et plein d’embuche sur une route rocailleuse, les 3 coasters transportant la délégation d’élèves, étudiants, jeunes, historiens et amoureux d’histoire garent devant la barrière abritant le site historique de la traite des esclaves de Bimbia dans le village de Dikolo. Une plaque, portant l’écriteau des ministères du Tourisme et des Loisirs et des arts et de la Culture, renseigne et souhaite la bienvenue sur le site de la traite des esclaves.
Une fois les délégations des jeunes inscrits pour la 2ème édition des Circuits de la mémoire organisé par la fondation «Yes Africa» à terre, les curiosités se lisent sur les visages. Chacun a hâte de découvrir ce qui se cache derrière cette grande clôture de plusieurs km de long entourant le lieu. Les gens se posent des questions. Qu’allons-nous voir là -dedans ? D’aucuns, les plus impatients, jettent déjà un coup d’oeil à travers les grilles de la barrière. Les portes s’ouvrent. Place à la découverte.
Bienvenue à Bimbia
Un sentier jalonné de bambou de chine, recouvert de feuilles mortes et de cailloux. Une descente. Des escaliers qui débouchent sur un ponceau dont la rivière a tari. Un petit tournant et on débouche sur les premiers vestiges de l’esclavage. Une raffinerie (le site possède plusieurs arbres de palmier à huile) et entrepôt. Plusieurs poteaux de pierres montés sur 5, 10, 15 et 20 mètres, séparés les uns des autres sur une distance de plusieurs mètres. Un grand arbre au milieu des piliers atteste bien que le bâtiment qui a existé là s’est effondré et est en ruine depuis bien longtemps.
Les morceaux de pierre qui se détachent des pieux et tombent de temps à autre démontrent bien que d’ici peu même ces piliers ne seront plus qu’un lointain souvenir si rien n’est fait. Si vous voulez faire un tour à l’intérieur, attention donc à la tête. Non loin de là, est visible ce qui servait de prison et de transit. Quatre mûrs, deux portes avec quatre poteaux ronds à l’intérieur. La porte de sortie de cette prison donne sur une rivière où les esclaves étaient embarqués dans des canoés et retenus parfois jusqu’à cinq mois avant de rejoindre les bateaux dans la mer.
Les derniers vestiges
Autre lieu autre vestige, le coin qui a abrité le bâtiment dénommé phare. Celui-ci servait de sentinelle et permettait de voir tous les bateaux qui arrivaient pour accoster le long de la mer. De cette batisse, il ne reste plus qu’un escalier d’à peine huit marches et quelques briques de terre ramenées d’Angleterre pour équilibrer les bateaux vides. De l’autre côté de la prison, se trouve un ancien pont qui servait à faire traverser les esclaves. Après le pont, on peut voir l’auge oblongue. Un immense béton monté sous forme de rectangle et qui servait de mangeoire aux détenus. Au bord de celle-ci, on peut voir des chaines qui pendent. Des restes de la traite négrière comme ceux-ci sont encore engloutis dans l’immense forêt qui couvre le site.
«L’histoire de ce site date du 17ème jusqu’au 19ème siècle. Ce que vous voyez c’est juste un aperçu il y a plus. Il faut que les chercheurs, les archéologues viennent pour ouvrir davantage le site afin que toute la vérité soit à jour», pense Samuel Ngomba.
La mairie de Limbé 3 se bat pour maintenir la flamme
Découvert en 1987, le site historique de Bimbia a été classé patrimoine national du Cameroun en 2013. Depuis lors le gouvernement a entouré le site d’une grande clôture et il accueille des visiteurs qui viennent de tout le monde entier.
Il est ouvert tous les jours de 8h à 16h. « On essaye de ne pas trop durer ici parce que à 16h c’est déjà la limite pour ceux qui veulent venir sur le site. Avant c’était plus des étrangers qui venaient mais maintenant on reçoit des Camerounais. Des élèves, des étudiants et même des familles qui entendent parler du site et sont curieux», raconte Samuel Ngomba, chargé des relations publiques à la Mairie de Limbé 3.
Au vu de la dégradation sans cesse du site qui entraine la perte de l’héritage de la traite négrière à Bimbia, ils ont mis sur pied un groupe de théàrtre qui reconstitue des scènes aux visiteurs. Nous en avons eu droit et c’était très émouvant. Entre ce chef « Kingue» qui était prêt à donner autant de prisonniers que souhaite l’homme blanc pour un bracelet en or et une bouteille de whisky et ce prisonnier qui décède même avant d’avoir atteint le bateau, il y en a qui ont coulé des larmes.
Le port négrier de Bimbia est géré par la commune de Limbé 3. Celle-ci nettoie et entretient le site avec les moyens de bord. L’aménagement des voies d’accès, la viabilisation du site se fait par des bénévoles.
«Il y a beaucoup de volontaires qui travaille sur le site. L’Etat investit mais pas assez. Je souhaite qu’avec l’action des bénévoles que le gouvernement puisse voir l’importance de Bimbia», renseigne Lisa Aubrey, enseignante et chercheur.
Un centre d’accueil a été construit par le ministère des Arts et de la Culture et celui du Tourisme et des Loisirs en face du site pour les visiteurs qui désirent passer la nuit.
Un Conseil!
Ne programmez jamais votre voyage pendant la saison des pluies. Les km de route en terre qui conduisent sur le lieu, malgré son aménagement sont difficile à pratiquer pendant cette période. Le faire en ce jour n’a pas été facile donc imaginez s’il pleut!
D’après les récits des notables Dikolo, 13 navires baptisés « Falstaff » ou « Gabriel Dios Amigos » sont partis de Bimbia et ont accosté à l’île Saint-Vincent, à Cuba, en Caroline du Nord, au Brésil, en Guyane et en Jamaïque. Au total, 2 393 hommes avec 42,3% d’enfants embarquèrent de Bimbia. 2 078 sont parvenus à destination.
Vivement que l’Etat, les bénévoles, oeuvrent afin que Bimbia devienne un véritable lieu de pèlerinage où la mémoire de l’esclavage et de la traite négrière pourra être partagée, transmise et promue. Afin que tous ces Hommes ne soient jamais oubliés.
Armelle Nina Sitchoma
Bonjour Armelle,
je suis journaliste et réalisateur français et prépare un documentaire sur Bimbia, destiné à être diffusé sur Canal plus Afrique.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article très complet et souhaitais m’entretenir avec vous (si vous voulez bien) sur ce sujet.
vous avez mon mail, voici mon téléphone : +33 6 17 79 25 54
merci !
Yvan Wastiaux