Une Camerounaise à Bangui. Deuxième partie

Ceci est l’histoire d’une Camerounaise qui découvre substantiellement la ville de Bangui pour la première fois. Loin des informations affolantes véhiculées, elle découvre une autre facette de cette capitale où les habitants charbonnent au quotidien pour survivre face au coût élevé de la vie. Suite…

Voici où démarre l’aventure : Je suis officiellement une centrafricaine

Mon bienveillant inconnu

J’acquiesce et me retourne vers l’inconnu qui me sourit. Je vous ai appelé sans succès me dit-il. J’ai même contacté le commissaire de l’aéroport pour savoir si votre vol a atterri, me dit-il tout en me présentant le listing de ses appels de la journée. Puis, il s’interrompt face à mon regard hébété et se présente. Je suis Marwan, l’ami de Bachir. Wow ! Mon esprit reprend enfin possession de mon corps. J’ai contacté Bachir et il m’a fait comprendre que tu as finalement fait une réservation ici. C’est lui qui m’a donné l’heure à laquelle ton vol décollait. Je voulais me rendre à l’aéroport quand le commissaire m’a informé que votre vol est dans la capitale depuis plusieurs minutes déjà et j’ai opté venir t’attendre ici. Après cette clarification, il me déconseille vivement de loger à l’hôtel, du moins, dans cet hôtel.

Le réceptionniste a déjà déposé la grille des prix sur la table. Ma nouvelle partenaire et moi, nous nous exclamons à la vue des montants affichés. Les prix varient entre 15.000 et 30.000 F.Cfa. Une réalité qui n’a rien à voir avec les prix proposés sur booking. Non seulement ils sont plus élevés, mais le réceptionniste ne semble pas savoir ce que booking signifie quand on se tord à lui dire qu’on a des réservations. Entre-temps, ma voisine a déjà donné son passeport pour la photocopie et m’observe. L’intention de mon visiteur de nous dissuader n’a pas changé. On passe un deal. Il nous propose en retour un logement dans un appartement meublé, dans un quartier sécurisé. Je traduis à ma coéquipière qui est d’expression anglaise et lui propose qu’on visite d’abord les chambres de l’hôtel avant de prendre une décision.

Le goût du risque

Le monsieur discute avec le réceptionniste en Sango. Le porteur de bagage de tout à l’heure réapparait, récupère des clés et nous demande de le suivre. Nous empruntons les escaliers qui mènent au premier étage. La chambre 106 s’ouvre devant nous. Les expressions sur les visages indiquent au guide l’insatisfaction. Un lit dont le poids de l’âge se lit sur les bords, trône au milieu d’une chambrette. Les carreaux dans la douche semblent ne pas avoir reçu de bain depuis longtemps. Un cafard faufile le long du sol pour nous signifier qu’on perturbe sa quiétude.

C’est la fin de la visite de la chambre de 25.000 Fcfa. Nous demandons à en voir une autre. Cette fois celle de 30.000Fcfa et à l’étage plus haut. Le guide nous informe que c’étaient les dernières ‘suites’ de libres. De retour à la réception, Marwan signale notre décision de ne plus loger là, récupère la fiche remplie et la copie du passeport de Beranova, elle a un joli prénom n’est-ce pas ? Il contacte le responsable du meublé pour lui signaler qu’il a de potentielles clientes et donc il va avoir besoin des clés de l’appartement libre. Puis, nous quittons les lieux.

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La ville est plongée dans le noir. Les ruelles sont parsemées des faisceaux de lumière provenant des ampoules des bâtisses implantés au bord de la route. Notre hôte nous propose de faire une halte, afin de prendre un repas, le temps pour le proprio de l’immeuble de faire parvenir les clés. Après 8 minutes de circulation, le véhicule de marque Toyota Prado se gare devant une cave-supérette. Un endroit chic, réservé à la haute classe. D’ailleurs on n’a pas encore pris place qu’un des vices président de l’Assemblée Nationale émerge de l’intérieur avec ses courses. Nous sommes au quartier Lakouanga dans le deuxième arrondissement de Bangui. Non loin du rond-point Boganda en face du building administratif. Ici on fait des brochettes de poulet/viande de bœuf avec des plantains frits. 11 minutes se sont écoulées entre la commande et le service. Le menu est le même pour nous trois. Brochettes de viande et poulet accompagnées de frits de banane-plantain. Arrosé d’une bonne gorgée de « La vie ».

On prend l’appart

C’est autour de 20 heures que nous rejoignons enfin l’appartement meublé. Il est situé non loin du ministère de l’élevage et à quelques pas du palais présidentiel. Deux bâtiments de deux niveaux qui se font face. Au milieu, une cour occupée par des voitures 4×4 de couleur blanche brandées U.N. Ici aussi, pas beaucoup de choix dans la suite à occuper. Il reste juste un appart, celui que nous allons découvrir.

La porte s’ouvre sur un petit salon avec cuisine américaine. Il est équipé de fauteuils en cuir blanc. La cuisine laisse voir un frigo, une cuisinière et du nécessaire pour cuisiner. Deux chambres se font face. Un grand lit occupe chaque pièce équipée d’une climatisation. Dans les salles de bain, de l’eau chaude coule des robinets et douches. Le sourire sur nos visages lève tout doute. Nous logerons là. Je laisse le soin à Beranova de faire le choix entre les deux chambres et j’occupe l’autre. Un wifi alimente le camp. Mais la connexion est de mauvaise qualité. Nous sommes obligés de priver Marwan de sa box pour la nuit. Il occupe le studio mitoyen. Allez ! C’est l’heure d’informer la famille qu’on est bien arrivé. Rendez-vous demain pour la suite de l’aventure.

Ensemble barrons la voix aux discours de haine

Mardi 26 avril 2022. Nous sommes le jour-dit. C’est aujourd’hui que s’ouvre le Forum régional de sensibilisation et de renforcement des capacités des acteurs des médias numériques sur la prévention des conflits liés aux discours de haine et la lutte contre ce phénomène en Afrique centrale. Je suis tirée de mon sommeil par des coups frappés à la porte de ma chambre. Intriguée vu l’heure, je lance: qui est là ? La personne de l’autre côté répond. It is Beranova. Moi : Yes! Come in. Elle me fait savoir que l’eau est rouge dans sa douche et qu’elle souhaite utiliser la mienne. Moi, est-ce que tu as laissé couler longtemps pour voir si ce n’est pas dû au fait qu’elle n’ait pas servie depuis belle lurette? Elle me répond oui. Je n’ai plus aucun choix. Ok vas-y. Je prends mon bain, une fois mon espace libéré.

7 heures 45 minutes. Nous sommes prêtes. C’est le moment de découvrir à la lumière du jour nos quartiers. C’est un endroit magnifique qui donne en amont sur une colline et au versant sur d’autres maisons. Au sommet de la colline qui se hisse devant nous, on peut lire la plaque “Bangui la Coquette, ville réconciliée » jonchée au milieu des arbustes. Des pas de bottes me sortent de mon rêve. Je me retourne et l’image que j’aperçois me fait écarquiller les yeux. Quatre militaires de la Minusca, habillés et équipés comme l’actrice Charlyse Theron dans le film "The Old Guard" quand son équipe et elle descendent de l’hélicoptère au Sud Soudan. Ils arpentent l’escalier de l’immeuble d’en face jusqu’à la cour. Ils grimpent dans leur 4×4 et disparaissent derrière le portail. Je sors de ma minute de rêve et toque à la porte de Marwan. Il trouve rapidement les clés de son véhicule et nous empruntons le chemin de l’hôtel Ledger, l’unique hôtel 5 étoiles de Bangui.

Bangui by night day 2

La première journée du forum régional de sensibilisation et de renforcement des capacités des acteurs des médias numériques sur la prévention des conflits liés aux discours de haine et la lutte contre ce phénomène en Afrique centrale démarre avec 30 minutes de retard. Après la cérémonie protocolaire présidée par le ministre centrafricain de la Communication et des Médias, la journée se poursuit par la présentation des différents participants résident en RCA ou venus d’ailleurs pour le forum. La leçon inaugurale du Pr Charly Gabriel Mbock, ouvre la voie aux communications qui se succèdent et permettent de comprendre et cerner le phénomène des discours de haine. La journée de réflexion s’achève autour de 17 heures 30 minutes. Le retour vers notre appartement se fait cette fois avec la navette des Nations Unies mise à la disposition des participants.

Vers 19 heures, Marwan nous propose de sortir dîner. Le petit déjeuner et le déjeuner sont assurés sur le site du forum. Beranova a son wifi et donc plus rien ne l’intéresse. C’est une influenceuse dans son pays alors elle ne vit que sur internet. Du moins, le temps que nous avons passé ensemble. J‘enfile un pantalon jeans et arbore mon t-shirt Wadjoet nous prenons la route. La voiture avale quelques kilomètres sur une route secondaire en terre battue avant de ressortir sur une route bitumée. L’axe est éclairé jusqu’à un niveau puis c’est le noir total. La circulation est presque déserte sur la ruelle. La lumière reflétée par les phares de la voiture laisse voir une grande barrière de couleur blanche. Plus on avance, plus la clôture s’étend. Des sentinelles sont postées çà et là. Mon hôte m’informe qu’on traverse ainsi la Présidence de la République de la Centrafrique.

Purée! Tout autour il y a des ministères, des organisations internationales et des domiciles privés. Nous prenons un virage à gauche. Puis, on ravale une vallée toujours plongée dans le noir et on arrive à notre point de chute. C’est un lieu artistique et exotique. Le bar-restaurant est aménagé sur la rive du fleuve Oubangui. Des masques africains vous accueillent à l’entrée. Des chaises sont disposées à l’air libre. Malgré le noir, on peut entendre le fleuve couler. De l’autre côté de la rive, se trouve la République Démocratique du Congo. De là où nous sommes installés, on peut apercevoir des lumières et des installations, signe que la vie y a droit de cité.

Le foot, l’opium…

Nous sommes assis face au fleuve. Derrière nous, de l’autre côté de la route, se dressent à des kilomètres les ambassades de la France et celle de la Russie. Les deux représentations diplomatiques se partagent un mur mitoyen. Le simple fait de penser à quoi peut ressembler la cohabitation, m’embarque dans des scénarios dignes d’un film d’espionnage. Au départ, on voulait dîner en vivant le match Manchester city vs Réal de Madrid, comptant pour les demi-finales de la Champion’s League, mais, la télévision implantée au milieu du restaurant n’a pas d’images. Du Moins, c’est la chaîne 33 du bouquet Canal qui tourne depuis que nous sommes installés. Nous avons juste le temps de prendre une bière avant de quitter les lieux. Une fois la note réglée, nous avons le temps de faire une visite flash de l’hôtel Oubangui situé non loin de là avant de reprendre la route.

Cap sur le centre-ville. Mais avant, petit détour à Lavenue. C’est un petit restaurant et pâtisserie chic aux couleurs vives et chatoyantes. Le décor est féerique. Les lumières sont nichées dans des vases qui redonnent du ton à l’espace. Le cadre est à 98% occupé par les expatriés. Nous passons la commande de deux chawarmas et nous levons le voile une fois servies. En face de la Caisse nationale de sécurité sociale où nous nous rendions, se trouve une foule immense. L’échoppe appartenant à une jeune dame de nationalité camerounaise a un écran géant implanté non loin du trottoir. L’ambiance est digne des supporters dans un stade. Impossible de se frayer un chemin ou d’avoir une place au soleil. Notre aventure s’arrêtera donc là.

Polyandre d’un soir

Je suis dans un coupé-décalé pas possible quand une jeune dame me rentre dedans et me passe des salutations à nouveau. Décontenancée, je demande de l’aide à mes compagnons de bringue. Ceux-ci m’informent que pour se débarrasser de la fille, ils ont prétendu que j’étais leur épouse. Je meurs quoi dans l’histoire?

Découvrez la suite de mon aventure centrafricaine au prochain et dernier billet. N’hésitez pas à laisser vos commentaires et impressions

5 commentaires

  1. Tu m’as mis déjà l’eau à la bouche. Pardon la suite vivement Armelle, Mme Tara 🤣

  2. Kouam Joel Honoré

    Mince cette partie m’a off « Nous empruntons les escaliers qui mènent au premier étage. La chambre 106 s’ouvre devant nous. Les expressions sur les visages indiquent au guide l’insatisfaction. Un lit dont le poids de l’âge se lit sur les bords, trône au milieu d’une chambrette »

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