Trois réunions ont été organisées entre le gouverneur et les responsables des agences de voyages, les exploitants des débits de boisson et les autorités religieuses pour l’adoption de ces mesures de prévention des actes terroristes dans la ville de Douala. Seulement sur le terrain la réalité est tout autre.
Il y a quelques jours je me suis rendue dans la région de l’Ouest du Cameroun. C’était le vendredi 7 aoà»t 2015. Je suis sortie de chez moi pour l’agence de voyage « Général Voyages » située au quartier Bépanda à 10h, dans l’espoir de prendre le bus de 12 heures. Une fois à l’agence, le décor que j’ai vu n’était pas normal. Il faut se faufiler entre la foule innombrable qui occupe la salle d’attente et les points d’embarquements. Des conducteurs de taxi et moto taxi entrent dans le quai pour proposer leurs services. Des vendeurs de bonbons, biscuits et autres friandises déambulent pour trouver de potentiels clients. Les hommes arborant des chasubles estampillées du nom de l’agence de voyages se chargent de mettre les bagages des passagers dans la soute des bus. Devant les deux caisses, une longue file interminable. Après avoir passé 10 minutes dans les rangs, j’arrive enfin devant la caisse. Le client devant moi achète un ticket pour son frère qui ne dispose pas de Carte nationale d’identité (CNI). La caissière lui demande de communiquer au moins le numéro de la CNI pour l’enregistrement.
Une fois dans le bus, des jeunes vendeurs proposent leurs marchandises. Une passagère outrée s’exclame « on a interdit la vente dans le bus nooor » et le vendeur de répondre « quand tu me vois là je ressemble à un Boko Haram ? » Avant le décollage du bus de l’agence, hormis les 70 places assises du gros porteur, des passagers étaient assis sur les marches d’escalier du bus. Le long du voyage, des patrouilles ont certes stoppé le bus pas pour le contrà´le des passagers, mais pour récupérer des billets de 500 F. Cfa aux chauffeurs. Quid des mesures prises par le gouverneur de la région du Littoral à savoir « le retrait du permis et la mise en fourrière des véhicules en surcharge, de débarrasser les agences de voyages des activités inutiles et se limiter uniquement à l’embarquement et au débarquement des passagers, de l’interdiction des ramassages sur les routes nationales, de installation des vidéosurveillances et détecteurs de métaux dans les agences de voyages pour la fouille des bagages et les passagers ? Bref autant de mesures sécuritaires et salutaires qui avaient été prises pour la sécurité des voyageurs.
Je vous raconte mon voyage parce que je m’interroge sur les mesures de sécurité anti Boko Haram qui ont été prises et adoptées le 27 juillet 2015 par le gouverneur de la région du Littoral. J’ai l’impression que personne, ni le gouverneur, ni les forces de maintien de l’ordre, ni même les populations ne se soucient de la mise en application de ces mesures. Pourtant trois réunions se sont tenues, oui trois, parce que les responsables des agences de voyages ont d’abord été convoqués pour adopter unanimement les dispositions de sécurité en ce qui concerne le secteur des Transports. Puis une rencontre a eu lieu avec les exploitants de débits de boissons, cabarets, snacks et hà´tels. Où des dispositions telles : l’installation des détecteurs de métaux, des portiques de Sécurité et des systèmes de vidéosurveillance devraient être effectifs dans les boîtes de nuit, hà´tels et snacks. Que ces derniers renforcent l’effectif des vigiles et gardiens en fonction de la menace et débarrassent les hà´tels, débits de boisson, snacks et restaurants des personnes oisives. Les heures d’ouverture et de fermeture des débits de boisson notamment 6h-21h pour les ventes à emporter et 6h-24h pour les ventes à consommer sur place. Tout contrevenant s’expose au retrait de sa Licence et la fermeture de son institution. On est même allé jusqu’à conditionner la tenue des réunions et conférences dans les hà´tels sur autorisation du sous-préfet compétant. Du 27 juillet à nos jours rien n’est fait. Aucune mesure n’est respectée. Cela ne semble pas poser de problème.
Dans les supermarchés et les banques que j’ai cà´toyés ces jours-ci dans la ville de Douala, les vigiles et agents de sécurité sont plutà´t là pour aider les clients à bien garer leurs véhicules qu’à contrà´ler qui entre et avec quoi. Pour voir la gravité du laxisme des autorités, il faut se rendre dans les services du gouverneur lui-même. Là , le nombre de policiers posté à la guérite a augmenté. Mais, les usagers vont et viennent sans être inquiétés, ni fouillés. Seuls quelques rares personnes sont piochées au vif et sont passées à la fouille. Le plus souvent quand le gouverneur donne une conférence ou une réunion. Sinon, les jours ordinaires personne n’est contrà´lée. Seule la rencontre avec les autorités religieuses semble porter des fruits. Des sacs-à -main sont désormais interdits dans les paroisses. Les fidèles eux-mêmes veillent au grain même au gré de quelques désagréments.
Ces mesures qui sont considérées aujourd’hui comme spéciales sont en fait des dispositions que tout pays normal et soucieux du bien-être de ses populations devrait adopter. Que nos autorités cessent de prendre des décisions pour les prendre et veillent à l’application des dispositions prises pour le bien de la population.
Armelle Nina Sitchoma